Par un arrêt du 11 Juillet 2018 n°17-10458, la Cour de cassation a statué sur un litige relatif aux conditions de validité d’un contrat conclu entre un club de football et un agent sportif par des échanges d’e-mails ou de courriels.
Une société d’agent sportif a initié une procédure contre un club de football professionnel pour réclamer judiciairement le paiement d’une commission pour le transfert d’un joueur entre deux clubs de football, les clubs de Saint-Étienne et de Dortmund.
L’agent estimait avoir reçu un mandat de la société ASSE pour négocier le transfert d’un joueur. Ce mandat était contesté par le club.
Ce mandat avait été donné par des échanges de mails selon l’agent.
La question était donc posée de savoir si l’agent avait bien reçu mandat ou si le mandat allégué n’était pas nul.
Le mandat donné à un agent sportif doit être écrit. L’article L222-17 du code du sport définit en effet les formes que doivent respecter ce type de mandat.
« Un agent sportif ne peut agir que pour le compte d’une des parties aux contrats mentionnés à l’article L. 222-7.
Le contrat écrit en exécution duquel l’agent sportif exerce l’activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d’un des contrats mentionnés à l’article L. 222-7 précise :
1° Le montant de la rémunération de l’agent sportif, qui ne peut excéder 10 % du montant du contrat conclu par les parties qu’il a mises en rapport ;
2° La partie à l’un des contrats mentionnés à l’article L. 222-7 qui rémunère l’agent sportif.
Lorsque, pour la conclusion d’un contrat mentionné à l’article L. 222-7, plusieurs agents sportifs interviennent, le montant total de leurs rémunérations ne peut excéder 10 % du montant de ce contrat.
Par dérogation au 1° et au cinquième alinéa, les fédérations délégataires peuvent fixer, pour la rémunération du ou des agents sportifs, un montant inférieur à 10 % du contrat conclu par les parties mises en rapport.
Le montant de la rémunération de l’agent sportif peut, par accord entre celui-ci et les parties aux contrats mentionnés à l’article L. 222-7, être pour tout ou partie acquitté par le cocontractant du sportif ou de l’entraîneur. L’agent sportif donne quittance du paiement au cocontractant du sportif ou de l’entraîneur.
Toute convention contraire au présent article est réputée nulle et non écrite. »
La cour d’appel rejette la demande de la société d’agents sportifs. Elle juge que le mandat conclu par échanges d’e-mails est nul car les mentions obligatoires ne figuraient pas dans un seul et même document et ensuite parce que le mail ne pouvait constituer un écrit.
La Cour de cassation est saisie. L’intérêt de la décision de la Cour de cassation dépasse le simple cadre sportif car il se prononce sur la valeur des contrats conclus par échanges de mails. Cette affaire exige en effet que soit déterminé si un échange d’e-mail peut constituer un contrat écrit.
La cour de cassation censure la décision de la cour d’appel sur deux points.
La cour de cassation juge en premier lieu que la Cour d’appel a ajouté une condition à l’article L222-17 du code du sport. La cour d’appel ne pouvait pas exiger que les conditions figurent toutes dans un seul et même courriel.
L’article L222-17 n’exigeant pas une telle condition la Cour d’appel ne pouvait ajouter une condition nouvelle. La décision est donc cassée sur la base de ce fondement.
La cour de cassation en deuxième lieu doit trancher une autre question. Le courriel peut-il constituer un écrit au sens du code civil et de l’article L222-17 du code du sport ?
Cette disposition du code du sport exigeant que le contrat soit écrit, le contrat a-t-il pu être conclu par un échange de mails ?
La cour d’appel a répondu par la négative. La Cour d’appel a jugé en effet qu’un message électronique ne peut, par nature, constituer l’écrit concentrant les engagements respectifs des parties.
La cour de cassation censure la décision de la Cour d’appel. La cour de cassation estime que la Cour d’appel a été trop catégorique pour refuser de qualifier un échange de mail comme un écrit.
La cour de cassation rappelle que l’écrit peut être électronique. Il doit respecter certaines conditions posées par les articles 1316-1 et 1316-4 du code civil (devenus désormais les articles 1366 à 1369 du code civil).
La Cour de cassation répond donc qu’un mail peut constituer un écrit si les conditions posées par le code civil sont respectées.
La cour d’appel aurait donc dû vérifier si le mail ou les mails en question respectaient ces conditions des articles 1316-1 et 1316-4 du code civil.
Rappelons qu’un document électronique est qualifié d’écrit sous réserve que :
– puisse être dûment identifiée la personne dont il émane
– et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.
L’identification de la personne dont il émane requiert une signature électronique qui « consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache.»
Le rejet automatique et non motivé est donc censuré par la Cour de cassation.
L’affaire devra être examinée par une nouvelle cour d’appel. Cette Cour devra juger :
– si ces échanges satisfont aux conditions posées par le code civil.
– si les mails invoqués doivent être considérés comme un écrit ou non
Généralement un courriel envoyé par un système de messagerie basique ne constitue pas un écrit électronique car les systèmes de messageries ne permettent généralement pas de garantir l’intégrité du message et l’identité de l’auteur est rarement assurée sauf à disposer d’un système de signature électronique certifié.
Ces questions devront être concrètement analysées par la Cour d’appel de renvoi et la réponse dépendra des caractéristiques du système utilisé par l’agent et par le club pour communiquer ensemble.
Par Olivier VIBERT
Avocat, Paris
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