Assemblée générale de SARL : une augmentation de capital adoptée avec une majorité de 60% est nulle

Pour les SARL constituées après la loi du 2 août 2005, les modifications statutaires doivent être décidées au moins à la majorité des deux tiers des parts détenues par les associés présents ou représentés. Une clause statutaire fixant un seuil inférieur, comme ici à 50 %, est illicite et entraîne la nullité des décisions prises sur cette base.

Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, 5 novembre 2025, n° 23-10.763 et 23-12.302

Les faits : une augmentation de capital adoptée à 60 % des voix

La société Iviflo, SARL créée en 2007 par deux associés, M. [A] (60 % des parts) et M. [B] (40 %), décide lors d’une assemblée générale extraordinaire du 24 juin 2020 d’augmenter son capital social.
La résolution est adoptée à la majorité de 60 %, conformément à l’article 8 des statuts, qui permettait toute modification du capital « par décision des associés représentant au moins la moitié des parts sociales ».

M. [B], minoritaire et opposant à la décision, assigne la société et M. [A] pour faire annuler la résolution et les actes subséquents, au motif que cette clause statutaire est contraire à l’article L. 223-30 du code de commerce.

La cour d’appel de Paris lui donne raison : elle annule les résolutions et ordonne la rectification des statuts et des inscriptions au registre du commerce.

Les dirigeants et la société forment alors deux pourvois joints devant la Cour de cassation.

La question : les statuts peuvent-ils prévoir une majorité plus faible que les deux tiers ?

Les requérants invoquaient l’article L. 223-30 du code de commerce, tel qu’interprété après la loi du 2 août 2005 en faveur des PME.

Selon eux, pour les sociétés constituées après cette loi, les statuts pouvaient fixer librement la majorité pour les modifications statutaires, y compris une majorité inférieure aux deux tiers. Seule l’unanimité était expressément interdite par le texte selon le pourvoi.

Ils soutenaient donc que leur clause statutaire, fixant la majorité à 50 %, était parfaitement licite.

La solution : la majorité des deux tiers est un seuil impératif

La Cour de cassation rejette les pourvois et confirme la position des juges du fond :

« Il résulte de l’article L. 223-30 du code de commerce, dans sa rédaction applicable, que, pour les sociétés à responsabilité limitée constituées après la publication de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, les modifications statutaires autres que le changement de nationalité sont décidées à la majorité des deux tiers des parts détenues, les statuts pouvant prévoir une majorité plus élevée sans pouvoir exiger l’unanimité des associés. »

Autrement dit, la loi du 2 août 2005 a certes introduit une souplesse procédurale (quorum réduit, majorité des présents ou représentés), mais elle a aussi fixé un plancher légal de deux tiers, en deçà duquel aucune clause statutaire ne peut déroger.

La clause statutaire de la Société Iviflo, prévoyant une majorité de 50 %, est donc illicite, et la résolution adoptée sur cette base est nulle.

L’application immédiate de la loi de 2019 sur la nullité

Les dirigeants soutenaient également que la sanction de nullité des décisions sociales prise en vertu de la loi du 19 juillet 2019 (n° 2019-744) ne pouvait s’appliquer à une société créée avant cette date.


La Cour écarte cet argument :

« Le dernier alinéa de l’article L. 223-30 du code de commerce, issu de la loi du 19 juillet 2019, a pour objet et pour effet de régir les effets légaux du contrat de société. Il s’applique donc à toutes les décisions sociales prises à compter de son entrée en vigueur, quelle que soit la date de constitution de la société. »

Autrement dit, peu importe que la société ait été créée avant 2019 : dès lors qu’une décision a été votée après cette date, la nullité prévue par le texte peut être invoquée.

Une société et plus particulièrement la SARL ne se réduit pas à la volonté des associés, mais relève aussi d’un ordre public économique.

Ses statuts ne peuvent pas écarter les règles impératives de fonctionnement édictées par le code de commerce.

Trois enseignements majeurs se dégagent donc de cette décision :

  • Les SARL constituées après 2005 doivent respecter un plancher de majorité des deux tiers pour toute modification statutaire (augmentation ou réduction de capital, changement d’objet, etc.) ;
  • Si les statuts contreviennent à ces règles impératives avec des clauses plus permissives (ex. majorité à 50 % ou 60 %), ces clauses seront réputées non écrites ;
  • Les décisions prises sur le fondement de clauses contraires aux règles impératives peuvent être annulées à la demande de tout intéressé, y compris d’un associé minoritaire.

Pour les SARL il est donc primordial de veiller à ce que les conditions de majorité des assemblées modifiant les statuts soient conformes à la Loi afin d’éviter un risque de nullité.

Par Olivier Vibert,

Associé au sein du cabinet Kbestan, cabinet de droit des affaires à Paris et Evreux

http://www.kbestan.fr

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