Exception d’inexécution et bail commercial : la mise en demeure préalable n’est pas nécessaire

Cour de cassation, 3e chambre civile, 18 septembre 2025, pourvoi n° 23-24.005

Le locataire dans un bail commercial peut suspendre le paiement des loyers dès que les locaux deviennent impropres à l’usage, sans mise en demeure préalable.

Les faits : un local commercial affecté d’infiltrations

La société Le Bourgeon avait donné à bail commercial, pour 23 mois à compter du 15 novembre 2011, un local à Mme [D].
À l’issue du bail, la locataire était restée dans les lieux sans verser l’« indemnité de pas-de-porte » prévue en cas de conclusion d’un nouveau bail.

Assignée en expulsion et paiement, Mme [D] a opposé une exception d’inexécution en raison de désordres (infiltrations constatées en août 2016) et a demandé des dommages-intérêts pour manquement du bailleur à son obligation de délivrance.

S’en suit une très longue procédure puisqu’une première décision a été rendue par la Cour de cassation. L’affaire est ensuite renvoyée devant la Cour d’appel de Fort de France.

La décision de la cour d’appel de renvoi

La cour d’appel de Fort-de-France (21 mars 2023) a rejeté la demande d’indemnisation au motif que l’assureur avait proposé une indemnisation de 30 863,66 €, supposée acceptée par la locataire, et l’a condamnée au paiement de loyers 2015–2016, estimant qu’elle ne pouvait opposer l’exception d’inexécution avant une mise en demeure adressée en novembre 2016.

La cassation : dénaturation et rappel du régime de l’exception d’inexécution

La Cour de cassation censure ce raisonnement sur deux points :

  1. Dénaturation de pièce :

« La pièce n° 9 (…) était une lettre de l’expert mandaté par l’assureur proposant un règlement du sinistre avant envoi du rapport à l’assureur. En retenant qu’elle valait proposition acceptée d’indemnisation, la cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et précis ».

  1. Exception d’inexécution sans mise en demeure :

« Le preneur peut se prévaloir d’une exception d’inexécution (…) dès que les locaux sont impropres à l’usage auquel ils étaient destinés, sans être tenu de délivrer une mise en demeure préalable ».

Analyse

La décision est principalement instructive quant au deuxième moyen de cassation.

En matière de bail commercial, l’exception d’inexécution s’applique de plein droit dès l’impropriété des locaux, sans formalité préalable, protégeant ainsi efficacement le preneur contre les manquements du bailleur.

Un juge ne peut pas exiger une mise en demeure préalable pour autoriser une exception d’inexécution qui n’est pas requise par le Loi.

Cette procédure se poursuivra donc devant une Cour d’appel à nouveau pour peut-être connaître un épilogue.

Par Olivier Vibert,

Avocat au barreau de Paris

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