Cass. com., 19 mars 2025, n° 23-22.925, publié au Bulletin
La chambre commerciale de la Cour de cassation précise la portée des clauses de non-concurrence dans les contrats de franchise, tout en sanctionnant une erreur de droit commise par la cour d’appel sur les effets d’une liquidation judiciaire en cours d’instance.
Contexte : franchise dans le secteur de l’assistance à domicile
La société Adhap performances, appartenant au groupe Orpea, avait conclu en 2015 un contrat de franchise avec M. [V] et la société Sjm pour l’exploitation d’un centre à Troyes. M. [V] avait auparavant contracté trois autres franchises avec une société du même groupe, Domidom, pour d’autres implantations.
En 2020, Adhap résilie brutalement le contrat, reprochant à M. [V] et la société Sjm une violation des clauses de non-concurrence, de loyauté et de confidentialité, en raison de la création de la société Everest Silver et du lancement du projet concurrent « Monalisa ».
1. Sur la clause de non-concurrence : pas de manquement sans activité effective
La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir jugé que la résiliation par Adhap était injustifiée. Elle rappelle qu’un franchisé peut, sans violer ses engagements contractuels, accomplir des actes préparatoires à une activité concurrente, tant que celle-ci ne démarre pas avant l’expiration du contrat.
« Le franchisé peut, sans violer la clause de non-concurrence stipulée au contrat de franchise ni les obligations de loyauté et de bonne foi contractuelles, accomplir des actes préparatoires à une activité concurrente de celle du franchiseur, à condition que cette activité ne débute effectivement qu’après l’expiration du contrat de franchise et de son engagement de non-concurrence. »
En l’espèce, même si M. [V] avait créé des sociétés et déposé des marques en lien avec le projet concurrent, l’activité n’était pas encore opérationnelle au jour de la résiliation. La clause de non-concurrence ne pouvait donc être considérée comme violée.
La Cour rejette aussi les arguments d’Adhap fondés sur une interprétation extensive de la loyauté contractuelle et critique l’usage d’autres clauses de contrats distincts pour apprécier la proportionnalité de celle en cause, rappelant le principe d’effet relatif des contrats.
La clause de non-concurrence en matière de contrat de franchise est donc interprétée restrictivement. Elle ne prohibe pas les actes préparatoires à une activité concurrente mais l’exploitation d’une activité concurrente.
2. Sur la liquidation judiciaire : impossibilité de condamner au paiement une société en liquidation
En revanche, la Cour casse l’arrêt en ce qu’il condamnait la société Everest Silver (en liquidation judiciaire depuis février 2023) à verser des sommes à Adhap au titre de redevances impayées et de l’usage illicite des signes distinctifs.
La haute juridiction rappelle qu’en cas de liquidation judiciaire, seule la fixation des créances au passif est possible, et non leur paiement. La cour d’appel ne pouvait donc pas confirmer les condamnations prononcées par le tribunal de commerce en ce sens.
Conclusions
Cet arrêt recherche un équilibre entre la protection des intérêts du franchiseur et la liberté d’entreprendre du franchisé, en replaçant la clause de non-concurrence dans un cadre strictement temporel et opérationnel et en donnant une interprétation plutôt restrictive du champ d’application de ces obligations de non-concurrence.
Si l’exploitation d’une activité concurrente est prohibée les actes préparatoires ne le sont pas nécessairement. Tout dépendra de la manière de rédiger la clause de non-concurrence dans le contrat de franchise.
Par Olivier VIBERT
KBESTAN
Cabinet d’avocats à Evreux et Paris.