Le testament international rédigé dans une langue non comprise par son auteur est-il valide ?

Le 17 janvier 2025, l’assemblée plénière de la Cour de cassation s’est prononcée sur l’invalidité des testaments internationaux rédigés en français par une personne ne comprenant pas cette langue (Ass. Plénière. 17 janv. 2025 pourvoi n°23-18823).

La Cour de cassation a cassé une décision de la cour d’appel de Lyon qui avait admis la validité d’un testament international dans une langue non comprise le testateur en présence d’un interprète. Cette décision confirme une approche formaliste pour garantir la protection des volontés testamentaires.

Les faits : un testament en français, une testatrice italienne

Une personne de nationalité italienne, est décédée en 2015 en laissant un testament rédigé en langue française en 2002. Ce testament avait été reçu par un notaire en présence de deux témoins et avec l’aide d’une interprète non assermentée. La testatrice avait institué ses trois filles comme légataires de la quotité disponible. Son petit-fils a contesté la validité du testament, arguant que la méconnaissance de la langue française par la testatrice et l’absence d’assermentation de l’interprète portaient atteinte à la validité de l’acte.

Une cassation fondée sur le respect des formalités testamentaires

Dans sa décision, la Cour de cassation juge que :

  1. À la date de rédaction du testament litigieux (2002), aucune disposition du droit français n’autorisait le recours à un interprète dans le cadre des testaments internationaux.
  2. La compréhension directe de la langue par le testateur constitue une garantie essentielle pour s’assurer de la fidélité de l’expression de sa volonté.

Pour la Cour de cassation le testament donné en français par une personne ne parlant pas cette langue ne pouvait être qualifié de testament international.

En conséquence, la Cour a annulé l’arrêt de la cour d’appel de Lyon, qui avait validé le testament en tant que testament international.

Qu’est ce que le testament international ?

Le testament international est une forme particulière de testament introduite par la Convention de Washington du 26 octobre 1973. Cette convention a été ratifiée par la France et est entrée en vigueur le 1er décembre 1994. Elle vise à créer une forme de testament qui soit reconnue internationalement, facilitant ainsi les successions dans un contexte de mobilité croissante des personnes et des biens.

Le testament international doit respecter plusieurs conditions de forme pour être valide :

Le testament doit être fait par écrit, mais il n’est pas nécessaire qu’il soit rédigé par le testateur lui-même. Il peut être écrit dans n’importe quelle langue, à la main ou par un autre procédé (« Le testament doit être fait par écrit. Il n’est pas nécessairement écrit par le testateur lui-même. Il peut être écrit en une langue quelconque, à la main ou par un autre procédé. »).

Le testateur doit déclarer en présence de deux témoins et d’une personne habilitée à instrumenter (en France, un notaire) que le document est son testament et qu’il en connaît le contenu. Il n’est pas tenu de divulguer le contenu du testament aux témoins ni à la personne habilitée

« Le testateur déclare en présence de deux témoins et d’une personne habilitée à instrumenter à cet effet que le document est son testament et qu’il en connaît le contenu. Le testateur n’est pas tenu de donner connaissance du contenu du testament aux témoins ni à la personne habilitée. »

En présence des témoins et de la personne habilitée, le testateur signe le testament ou, s’il l’a signé précédemment, reconnaît et confirme la signature. Si le testateur est dans l’incapacité de signer, il doit en indiquer la cause à la personne habilitée, qui en fait mention sur le testament.

Les témoins et la personne habilitée doivent ensuite apposer leur signature sur le testament en présence du testateur.

Une interprétation stricte face aux évolutions législatives

La décision du 17 janvier de manière pédagogique expose les deux interprétations possibles.

La première interprétation s’appuie notamment sur un précédent arrêt du 2 mars 2022 (Cass. 1e civ. 12-10-2022 n° 21-11.408) qui avait déjà posé le principe selon lequel un testament international devait être rédigé dans une langue comprise par le testateur, même en présence d’un interprète.

« Une première interprétation tient compte de ce que la loi uniforme, que les États parties ont seule l’obligation d’intégrer à leur droit interne, ne prévoit pas le recours à un interprète.

C’est celle qu’a retenue la Cour de cassation dans son arrêt précité du 2 mars 2022, qui a jugé que, si un testament international pouvait être écrit en une langue quelconque, afin de faciliter l’expression de la volonté de son auteur, il ne pouvait l’être, même avec l’aide d’un interprète, en une langue que le testateur ne comprenait pas.

Cette position, approuvée par une partie de la doctrine, s’inscrit dans un courant jurisprudentiel, qui, interprétant les règles formelles à l’aune de leur finalité, en l’occurrence favoriser la liberté du disposant et le respect de ses volontés tout en s’assurant de la réalité de ses intentions, subordonne la validité du testament à la faculté pour le testateur d’en vérifier personnellement le contenu (1re Civ., 9 juin 2021, pourvoi n° 19-21.770, publié ; 1re Civ., 12 octobre 2022, pourvoi n° 21-11.408, publié). »

La seconde interprétation tend à admettre la possibilité d’avoir recours à un interprète dans les conditions requises par la loi en vertu de laquelle la personne habilitée a été désignée.  

« Une seconde interprétation tire de l’article V.1 de la Convention la possibilité d’avoir recours à un interprète dans les conditions requises par la loi en vertu de laquelle la personne habilitée a été désignée.

Elle garantit la sécurité juridique des testaments reçus en la forme internationale, par une personne habilitée par la loi d’un autre État partie, en présence d’un tel interprète, et assure, dans un contexte de mobilité des personnes et d’internationalisation des patrimoines, une application harmonisée des règles du testament international au sein des États ayant ratifié la Convention. »

La Cour de cassation décide d’adopter la deuxième option ce qui constitue un revirement de sa part.

Elle juge que « la loi uniforme permet qu’un testament soit écrit dans une langue non comprise du testateur dès lors que, dans ce cas, celui-ci est assisté par un interprète répondant aux conditions requises par la loi en vertu de laquelle la personne habilitée à instrumenter a été désignée. »

La Cour de cassation relève ensuite qu’en droit français l’article 972 du Code civil modifié par une Loi de 2015 autorise l’usage d’un interprète pour les testaments authentiques, sous réserve que celui-ci soit assermenté.

Cette réforme étant entrée en vigueur postérieurement au testament litigieux et ne s’appliquant pas aux testaments internationaux, pour lesquels aucune disposition comparable n’a été introduite, elle ne peut donc être étendue aux testaments internationaux antérieurs à cette réforme.

Faute d’une telle disposition légale, la Cour d’appel ne pouvait donc pas valider un testament rédigé dans une langue que le testateur ne comprenait pas même en présence d’un interprète.

La décision de la Cour d’appel est donc censurée.

La Cour de cassation privilégie la sécurité juridique.

Si cette position garantit la fidélité de la volonté du testateur, elle peut être perçue comme un frein dans un contexte d’internationalisation croissante des patrimoines. Le souhait des juges demeure de garantir la sécurité du testament afin de s’assurer qu’il correspond à la volonté de son auteur.

En effet, la Convention de Washington visait à simplifier et unifier les formalités testamentaires. Cependant, la Cour souligne que cette simplification ne saurait se faire au détriment des garanties formelles, comme la compréhension personnelle de la langue par le testateur.

La Cour de cassation semble donc imposer de passer par un testament authentique lorsque le lorsque le testateur ne peut s’exprimer en langue française. L’article 972 du code civil permet alors au notaire de faire appel à un traducteur assermenté qui garantit selon la Loi la fiabilité du recueil des volontés du testateur.

Il est donc recommandé pour des testaments rédigés par des personnes ne parlant pas français de respecter la forme authentique définie aux articles 971 à 975 du code civil c’est à dire:

  • Un testament reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins
  • Un testament dicté par le testateur au notaire, qui l’écrit ou le dactylographie, puis en fait la lecture au testateur
  • après lecture, le testament est signé par le testateur, le ou les notaires, ainsi que les témoins présents
  • si le testateur ne peut pas signer, il doit en faire la déclaration, et cette impossibilité doit être mentionnée dans l’acte
  • L’acte doit comporter une mention expresse de l’accomplissement de toutes les formalités requises
  • Le testament authentique est conservé en minute par le notaire, ce qui garantit sa pérennité et sa protection contre toute destruction matérielle

Olivier Vibert, Avocat, Paris

www.kbestan.fr

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