Offre de cession de parts sociales : une offre exprimée en pourcentage du capital est valable

Une offre de cession de parts sociales exprimée en pourcentage du capital social constitue une offre de cession si la chose et le prix sont déterminables.

Cour de cassation, chambre commerciale, 17 septembre 2025, pourvoi n° 24-10.604

Les faits : un projet d’association contrarié

Le 17 octobre 2017, deux associés proposent à M. [U] de lui céder 17,09 % du capital d’une société en cours de création, Credere, qui devait présider la société Carte Financement.
M. [U] accepte la proposition. Mais, les cédants ne donnant pas suite, M. [U] les assigne, ainsi que les sociétés Credere et Carte Financement, pour voir constater la cession parfaite.

La cour d’appel de Versailles (16 mai 2023) confirme que la cession est formée et condamne les deux associés à exécuter l’offre, tout en allouant à M. [U] une indemnité pour préjudice moral.

Le pourvoi : absence d’offre ferme

Les associés soutenaient que l’offre n’était pas valable car les parts sociales n’étaient pas identifiées par leur nombre exact ni par leur numérotation :

Selon le pourvoi « en l’absence d’identification précise des parts sociales (…) la proposition ne saurait être qualifiée d’offre ferme et précise ». La question soulevée par ce pourvoi était donc de déterminer si la promesse était équivoque et donc invalide compte tenu de la simple mention de pourcentage des parts sociales.

La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation rejette l’argument et rappelle les principes :

  • Article 1114 du code civil : l’offre doit contenir les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation.
  • Article 1583 du code civil : la chose et le prix suffisent à former une vente.
  • Article 1163 du code civil : la prestation doit être déterminée ou déterminable. La prestation est déterminable lorsqu’elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu’un nouvel accord des parties soit nécessaire.

La Cour de cassation en conclut que :

« Une offre de cession de parts sociales exprimée en pourcentage du capital social (…) satisfait aux exigences de l’article 1114 ».

La cour d’appel avait donc justement retenu que la chose était identifiée (« 17,09 % des parts de Newco », soit la future société Credere) et le prix fixé à 72 000 €.

Analyse

Cette décision illustre une conception pragmatique de l’offre de cession de parts sociales:

  • L’exigence de précision ne suppose pas une identification nominative des titres (numérotation, registre des parts).
  • L’indication d’un pourcentage du capital suffit, dès lors qu’elle permet de déterminer la chose au moment de la formation de la société.
  • La sécurité des engagements prime : une proposition claire et chiffrée lie son auteur.

La Cour de cassation réaffirme ainsi que la validité d’une offre dépend non d’un formalisme excessif, mais de la déterminabilité de l’objet et du prix. Cette approche doit être saluée et permet d’éviter un formalisme trop lourd qui aurait permis d’invalider divers engagements sous prétexte que la rédaction était trop imprécise.

Il demeure cependant que l’engagement doit être ferme et non conditionné.  Toute discussion sur une éventuelle cession ne vaudra donc pas nécessairement promesse.

Il sera donc particulièrement important d’être vigilant dans le cadre de négociations menées par messages écrits ou dans la rédaction d’accords précontractuels.

Un engagement ferme dont l’objet et le prix sont déterminables peut constituer une offre de cession qui pourra être alors acceptée par le destinataire de l’offre et exécutée de force judiciairement.

Par Olivier VIBERT, Avocat au barreau de Paris,

Associé du cabinet KBESTAN, cabinet en droit des affaires à Evreux et Paris.

Laisser un commentaire