Cautionnement : obligation de mise en garde et proportionnalité

Dans un arrêt du 11 décembre 2024 (pourvoi n° 23-15.744), la Chambre commerciale de la Cour de cassation a statué sur la notion d’obligation de mise en garde qui incombe aux banques lors de l’octroi de crédits et sur l’évaluation de la disproportion du cautionnement.

Les faits : un projet en difficulté et une caution contestée

Le 28 mars 2017, la Caisse régionale de Crédit Agricole Charente-Périgord accorde deux prêts à la société CB Investissement, garantis par le cautionnement solidaire de sa gérante, Mme [H]. Quelques années plus tard, face à la défaillance de la société, la banque assigne en paiement CB Investissement ainsi que la caution.

Entre-temps, la société CB Investissement est placée en liquidation judiciaire, compliquant encore le recouvrement des créances par la banque.

La décision de la cour d’appel : manquement au devoir de mise en garde

La cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt rendu le 30 janvier 2023, avait estimé que la banque avait manqué à son obligation de mise en garde. Elle lui reprochait notamment de ne pas s’être suffisamment renseignée sur :

  • La situation financière réelle de la société CB Investissement.
  • La faisabilité du projet financé par les prêts.

La cour d’appel avait ainsi condamné la banque à verser des dommages et intérêts pour manquement à ce devoir. Elle avait également réduit les pénalités contractuelles, considérant qu’elles étaient manifestement excessives.

La position de la Cour de cassation : une clarification stricte du devoir de mise en garde

La Cour de cassation rappelle sa jurisprudence constante en la matière : le devoir de mise en garde de la banque porte uniquement sur l’adéquation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur et sur le risque d’endettement qu’il entraîne. Il ne concerne en aucun cas la faisabilité ou l’opportunité économique du projet financé.

Ainsi, en retenant que la banque aurait dû s’assurer de la « fragilité » ou de la « faisabilité » du projet, la cour d’appel a violé ce principe. Pour la Cour de cassation, une telle exigence excède les limites du devoir de mise en garde.

Sur la disproportion du cautionnement

La Cour de cassation s’est également prononcée sur la disproportion de l’engagement de la caution. Elle rappelle qu’il incombe au juge de prendre en compte l’ensemble des biens et revenus de la caution au moment de son engagement, y compris les parts sociales détenues dans la société cautionnée. Or, la cour d’appel avait omis d’évaluer la valeur des parts sociales de Mme [H], limitant son appréciation aux seuls éléments déclarés sur une fiche de renseignement.

Cette omission prive la décision de base légale. La Cour casse donc l’arrêt de la cour d’appel sur ce point également.

Conclusion

Cet arrêt constitue un rappel de la jurisprudence de la Cour de cassation sur les contours du devoir de mise en garde des établissements bancaires, qui ne peuvent être tenus responsables de la viabilité économique des projets financés. Il rappelle également que l’évaluation de la disproportion du cautionnement doit être rigoureuse, prenant en compte l’ensemble du patrimoine du garant y compris les parts sociales de sociétés qui doivent dès lors être évaluées.

par Olivier Vibert, Avocat, Paris

http://www.kbestan.fr

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