L’article L442-6 du code de commerce n’est pas applicable à une rupture de relations entre avocats

La rupture de relations commerciales établies est surtout destinée comme son nom l’indique aux relations commerciales. Certaines décisions antérieures avaient néanmoins accepté d’appliquer la notion de rupture brutale de relations commerciales établies à des activités civiles (architecte par exemple).

Par une décision du 20 février 2019, la Cour de cassation revient à une définition classique du champ d’application de ce texte en exigeant que la relation soit de nature commerciale pour pouvoir appliquer l’article L442-6 du code de commerce, article qui a notamment introduit en droit français la désormais célèbre notion de rupture brutale de relations commerciales établies.

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 20 février 2019 pourvoi n°17-27967

 

Un avocat avait conclu avec une SCP d’avocats un contrat de collaborateur libéral en août 2010. En 2014, la SCP a mis fin au contrat de son collaborateur après un préavis de trois mois.

Le collaborateur a saisi le bâtonnier pour formuler des demandes de dommages et intérêts contre le cabinet. Le collaborateur a réclamé notamment 190.000 euros de dommages et intérêts pour « disproportion manifeste au regard du service rendu ou déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. »

 

La cour d’appel de Paris a rejeté en premier lieu la demande du collaborateur.

La Cour d’appel a jugé que les articles L410-1, L442-6 1° et 2° du code de commerce ne sont pas applicables aux relations entre un avocat collaborateur et un cabinet car ces textes sont applicables aux échanges commerciaux et donc à des relations commerciales.

Le collaborateur a saisi la cour de cassation.

L’avocat collaborateur a développé comme argument que la collaboration était un simple contrat de prestation de service. Le contrat de prestation de service peut être soumis aux règles du code de commerce sur la concurrence.

L’application d’un texte dans le code de commerce à un avocat qui n’est pas commerçant peut surprendre mais certains arrêts de la Cour de cassation avaient pu appliquer la rupture brutale de relations commerciales établies à des professionnels libéraux.

En effet, cette règle avait été jugée applicable à un architecte (arrêt du 16 décembre 2008 n° 07-18050). L’architecte a aussi une activité civile. Pourquoi donc ne pas appliquer l’article L442-6 du code de commerce à un avocat ?

Cette argumentation est cependant écartée. La Cour de cassation juge en effet que l’article L442-6 1° et 2° ne s’appliquent pas aux relations entre avocats.

La prestation d’un avocat est par définition libérale ou civile. Une activité libérale ne peut être commerciale. Les notions de relations commerciales et de relations professionnelles libérales sont distinctes. L’activité d’avocat est une activité professionnelle certes, mais elle n’est pas commerciale. Elle ne consiste pas en l’exercice d’actes de commerce.

La cour de cassation a donc refusé d’appliquer les règles en matière de concurrence aux relations professionnelles établies entre deux avocats. Ces relations ne revêtent pas une nature commerciale. L’article L442-6 du code de commerce ne s’applique donc pas aux professionnels libéraux.
En rappelant que l’article L442-6 du code de commerce ne s’applique qu’aux relations commerciales, la Cour de cassation adopte une position classique qui doit être approuvée.

 

Pour conclure, précisons que cette bataille juridique entre l’avocat collaborateur et son ancien cabinet n’est pas totalement terminée car la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel sur un autre point. Une Cour d’appel sera donc à nouveau saisie d’une partie du litige.

 

Par Olivier Vibert,
Avocat, Paris,

 

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