Garantie à première demande ou cautionnement? Attention à la rédaction

Par un arrêt du 30 janvier 2019 (Cour de cassation, chambre commerciale, 30 janvier 2019 n°17-21279), la Cour de cassation s’est prononcée sur la qualification d’une sûreté personnelle. La Cour de cassation devait définir si l’engagement du gérant d’une société était un cautionnement ou s’il s’agissait d’une garantie à première demande.

Les faits étaient les suivants,

Une société A est débitrice d’une somme de 86.165 € à une société B.
Le gérant de la société A a signé un acte intitulé « garantie à première demande » au profit de la Société B.
La société A est placée en redressement. La Société B déclare sa créance à hauteur de 86.165,08 € au passif de la Société A.
La Société B demande ensuite au Gérant l’exécution de la garantie qu’il avait octroyé. Celui-ci ne paye pas les sommes réclamées. La Société B l’assigne en paiement.

Le gérant estime que l’acte qu’il a signé bien que dénommé « garantie à première demande » était en réalité un cautionnement. Et qu’il aurait donc dû être mis en garde sur les risques inhérents à cet engagement.
La Société B lui oppose que la garantie n’était pas un cautionnement mais une garantie à première demande et qu’une garantie à première demande ne faisait peser sur le bénéficiaire de cette garantie aucun devoir de mise en garde.

La Cour d’appel de Toulouse a condamné le gérant X à payer une somme de 86.165,08 €. La Cour d’appel a estimé que l’acte signé par Monsieur X était bien une garantie autonome et a refusé de le qualifier de cautionnement.

La Cour de cassation est saisie. Se pose devant elle la qualification de la garantie accordée par le gérant pour déterminer si un devoir de mise en garde pouvait exister.

La Cour de cassation juge que la cour d’appel a légalement justifié sa décision de qualifier l’engagement de garantie à première demande. L’acte examiné étant une garantie autonome, aucun devoir de mise en garde n’existait.

Plusieurs éléments ont permis de retenir une telle qualification.
– L’engagement des « garants » était décrit comme autonome et indépendant des relations contractuelles existant entre la société A et B
– Les garants s’engageaient à paiement dès réception d’une demande de paiement du bénéficiaire par lettre recommandée avec accusé de réception notifiant la défaillance de la société A dans ses obligations, « étant bien entendu que l’effectivité ou le bien-fondé du manquement dénoncé est totalement indifférent à l’exécution de notre engagement de garantie »,
– les garants s’interdisaient d’opposer une quelconque nullité, exception, objection, fin de non-recevoir tirée des relations juridiques ou d’affaires entre ces deux sociétés,

– La garantie précisait clairement qu’il ne s’agissait pas d’un cautionnement,
– Une mention manuscrite était formulée ainsi : « Bon pour garantie à première demande, solidaire et indivisible à hauteur de 100 000 euros en principal frais et accessoires en sus à compter du jour des présentes et jusqu’au 31/03/2014 »

Pour la Cour ces éléments de l’engagement de monsieur X permettaient sa qualification en garantie autonome ou à première demande.

Cette décision confirme une fois de plus que la jurisprudence, pour qualifier une garantie, ne s’attache pas au titre de l’acte mais examine la nature des engagements souscrits par le garant.

Si la garantie est l’accessoire d’une opération principale, la garantie sera qualifiée de cautionnement.
Si l’engagement de payer du garant est autonome de l’opération principale, la garantie sera qualifiée de garantie autonome (type de garantie parmi laquelle nous trouvons notamment la garantie à première demande).

Les mentions de l’acte permettaient de conclure à une indépendance suffisante pour écarter le cautionnement.

Cet arrêt est donc une bonne illustration de la position pragmatique des juridictions qui analysent les engagements pour qualifier la garantie.
Une fois la garantie qualifiée, il suffisait à la Cour de cassation de rappeler que le créancier bénéficiaire d’une garantie à première demande n’est débiteur d’aucune obligation de mise en garde à l’égard du garant autonome.

Monsieur X ne pouvait donc reprocher une absence de mise en garde par la Société B.

 

Les rédacteurs de garanties ou les bénéficiaires de ces garanties devront donc être vigilants à la manière dont l’engagement de payer est rédigé. Ce n’est pas parce que l’on utilise les termes « garantie à première demande » que cette garantie ne pourra pas être, en fin de compte , requalifié en cautionnement. Tout est dans la rédaction.

Une rédaction ambiguë favorisera les débats dilatoires au moment de sa mise en oeuvre et pourrait ôter toute efficacité à cette garantie.

 

par Olivier Vibert,

Avocat, Paris

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